lundi 1 avril 2013

Goða helgi ferð


Chère Leïla, j'ai découvert ton travail sur ton projet réalisé à Ouessant et j'ai été séduite par la finesse et la souplesse de ton trait. Puis suite à notre rencontre, je suis allée sur ton site afin de mieux te connaître. Pour ton BWE des 12/13 et 14 avril, tu nous présentes des travaux venus de Ouessant et d'Islande... Deux îles. Des travaux très différents... Qu'est-ce qui t'a inspirée ? Influencée ? Guidée ? Raconte-nous...

Ces deux îles ont des traits communs mais les expériences et les travaux qui en découlent sont très variés. Je m’intéresse depuis longtemps aux îles, ces vaisseaux où les éléments ont le dessus sur les humains. Les climats souvent extrêmes, l’isolement, orientent les modes de vie et imposent des mentalités singulières.
Les activités géologiques, sismiques, océaniques, les respirations et battements de cœur de la terre y sont plus largement perceptibles.
Après plusieurs séjours dans diverses îles, j’ai eu la chance d’être invitée pour une première résidence artistique à Ouessant. L’expérience était unique : résider seule durant un mois dans le sémaphore du Créac’h, à la pointe Ouest de l’île,
dans la partie la plus sauvage, au plus près des vagues et à trois mètres de la corne de brume. Dans ce bâtiment froid destiné aux militaires, j’ai investi la salle de surveillance : presque 360°de vitres sur la mer.

Submergée par l’immensité bleue, j’ai fait la découverte de l’île à pied par les sentiers des douaniers.Ces excursions structuraient mes matinées tandis que le reste de la journée était consacré au dessin. C’est naturellement que j’ai commencé à tracer, de mémoire et directement à l’encre de Chine, les plantes rencontrées chaque jour. Dans ma tour de contrôle face à la mer, à l’abri du vent, une carte topographique de la petite flore Ouessantine s’est révélée.
Le dessin fait écho aux peintures Japonaises (Emaki, Gakan...), un autre voyage insulaire qui m’a très fortement marquée.
J’ai parfois voulu respirer hors de ce déroulé de papier en m’amusant des noms donnés aux lieux dits. Au final, le projet Enez-Eusa (ancien nom d’Ouessant) est une sorte de journal de bord, le compte rendu graphique d’une expérience monastique.


En Islande, l’expérience était très différente. J’y ai voyagé quelques temps avant d’être invitée pour le festival de l’hiver et de la lumière (Vetrarhátíð
). Baignée dans une langue inconnue, à une période où le soleil ne se lève que quelques heures, dans une micro société au fonctionnement propre, le rythme des journées était très étrange. Et les paysages tout autant.
Aux champs de laves solidifiées se succèdaient des plages noires, des fumeroles, un lac d’icebergs. J’ai retrouvé certaines plantes dessinées à Ouessant… La roche se plissait et la terre me dévoilait sa peau. Les mouvements terrestres étaient visibles à l’œil nu.
Au beau milieu des eaux, sur une terre faite de volcans actifs coupée par la plus grande faille sismique, je me suis sentie aussi proche des premières molécules venant des abysses que des étoiles ou des météorites. Les possibilités étaient infinies dans cette énergie première.
Retranscrire ces sensations par le papier, le trait, la couleur ne donne que des bribes d’un voyage fort mais encore tout frais.

Propos recueillis par Hélène et Arno

 

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